La pandémie actuelle nous a amené à prendre des mesures sanitaires inédites depuis mars dernier, nous rappelant le caractère non permanent des choses. Parmi les mesures pour lutter contre la pandémie, le confinement s’est imposé. Le confinement est au départ, global (quasi planétaire même). Surtout, il s’inscrit dans une durée incertaine. Quant à elle, l’incertitude est sans cesse alimentée : par le questionnement concernant les traitements médicamenteux efficaces, sur les mutations du virus, etc…, des mesures sanitaires nécessaires, certes, mais à géométrie variable, elles aussi. Quelles sont les conséquences psychologiques de la pandémie et du confinement ? Sommes-nous tous concernés par les conséquences psychologiques ? Enfin peut-on encore parler de prévention ? Caroline Vieilleribière psychologue psychothérapeute à Mont de Marsan répond à ces questions.
QUELLES SONT LES CONSEQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE LA PANDEMIE ?
La pandémie peut provoquer une peur (celle de la contamination, celle de la mort pour ses proches ou pour soi-même…). Elle peut aussi générer une anxiété moyenne ou généralisée en raison du climat d’incertitude.
De plus, une détresse existentielle peut largement se manifester remettant en cause le sens de la vie, de « cette vie ».
La surexposition aux médias ne permet pas de soulager ces souffrances
Très souvent j’ai pu entendre dire « J’ai très bien vécu le premier confinement ». Pour ceux qui à l’inverse ne l’ont pas bien vécu, une majorité d’entre nous se met d’accord pour dire que le premier confinement dans ses effets et ses mesures, ce n’est pas le second !
Pourquoi ?
Le facteur « durée » est important pour comprendre ce qui se manifeste pendant et après encore au niveau psychologique
Lorsque le confinement est solitaire et long plus le risque est élevé de développer des troubles.
QUELLES SONT LES CONSEQUENCES PSYCHOLOGIQUES DU CONFINEMENT ?
Les symptômes les plus courants : la fatigue psychique et physique ; des manifestations de stress pouvant allez jusqu’aux « attaques paniques », l’anxiété, le sentiment d’impuissance, une possible perturbation des cycles de sommeil, une perturbation de l’appétit et enfin parfois des troubles de l’attention. Pour envisager des aides et se repérer, je vous invite à lire « psychothérapie : comment s’y retrouver ? « d’un précédent article.
D’autres études peuvent éclairer nos réactions en situation de confinement. Il a été observé une augmentation de la colère et de l’agressivité possible pendant le confinement chez les individus (Hsu et Al., 2005, Science 310, 1680-1683). Il faut comprendre grâce aux neurosciences que l’incertitude est source d’inquiétude. Ainsi les situations incertaines déclenchent des réactions cérébrales associées à des émotions négatives !
Est-on dépressif pour autant ? Il peut y avoir des mouvements dépressifs ou des dépressions. Cependant l’échelle du phénomène pandémique nous amène à considérer ce que les professionnels de santé en Asie du Sud Est ont appelé « le syndrome Bleu ». Il s’agit bien de clinique de la dépression mais à l’échelle de populations. L’évaluation des personnes en individuel dont être recontextualisée dans un contexte plus global de « baisse de moral » chez beaucoup d’individus. « Une ambiance nouvelle » s’installe au sein des populations durant le temps de la pandémie et jusque 6 mois après
Sur un autre point, la réduction des déplacements physiques, des mouvement inhérents à la contrainte du confinement, peut entrainer un engourdissement de ce que les psys appellent « les mécanismes de défense ». Nous pourrions dire que nous pouvons ressentir une sorte de « gel psychique ». Nous avons alors plus de mal à être souple mentalement, en mouvement aussi dans notre rapport au monde.
De façon plus secondaire
Parfois la peur d’être contaminé peut durer encore 6 mois après le déconfinement. De ce fait, les personnes peuvent continuer (dans une moindre mesure) à réduire encore les contacts sociaux durablement. C’est comme s’il était difficile parfois de « se déconfiner de la tête » !
La crainte d’être exposé à des difficultés financières (parfois difficultés bien réelles !) augmente la souffrance psychologique chez les personnes en situation précaire.
SOMMES NOUS TOUS CONCERNES PAR LES CONSEQUENCES PSYCHOLOGIQUES ?
Nous avons déjà étudié les effets psychologiques du confinement sur la population. Ainsi, les virus d’Ebola, des grippes H1N1 et équine et du SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome) nous ont donné matière à réfléchir. Brooks et al.., The Lancet 20 mars 2020 en est une. Les résultats de cette étude montrent que le personnel soignant présenterait un risque persistant accru de souffrance psychologique.
Le risque de contagion pour soi et pour ses proches, le manque de matériel de protection, la peur de ne pas être à la hauteur y contribuant.
Les professionnels de la sécurité sont concernés à la même hauteur.
Ce qui est plus étonnant c’est que cet impact potentiel peut durer jusque 6 mois après le déconfinement ( général), voire plusieurs années chez certains.
Les soignants seulement ?
Les enfants semblent eux aussi plus exposés. L’étude met en relief qu’au cours des 3 années suivantes une période de confinement, le risque de développer un état de stress post traumatique est 4 fois plus élevé chez les enfants.
D’ailleurs sur le sujet de la Covid, Guillaume Nguyen, psychologue psychothérapeute sur Pézenas nous donne quelques pistes pour aborder le sujet avec les enfants. Je vous invite à lire l’article » Parler du Covid 19 avec les enfants. »
Enfants, soignants et qui d’autre ?
Nous ne sommes pas tous égaux face au risque psychopathologique. C’est donc aussi le sujet concernant l’expression des facteurs » pandémie et confinement » en terme de conséquences psychologiques sur tous.
Il est a noter que L’étude a démontré que les personnes qui ont des antécédents avant confinement sont plus à risque de manifester une souffrance mentale persistante.
Aujourd’hui, la situation est inédite dans le sens, « nouvelle », « hors-norme ». Je tiens à apporter une nuance à ce que nous pourrions énoncer comme « foutu d’avance ». En tant que professionnelle de santé, j’ai pu suivre des personnes en état de stress post traumatique avant confinement. Les patients qui ont résilié (« guéris »), sont restés en bonne forme mentale, voire en très bonne forme. Donc, apportons de la nuance dans le champ des possibles de chacun !
Enfin, nous observons actuellement de « nouveaux patients ». Des personnes « ordinaires » ayant notamment des angoisses en lien avec l’addiction, la notion de séparation, en difficulté d’adaptation…Bref au regard de la situation « hors norme » quoi de lui « normal » ?
PEUT-ON ENCORE PARLER DE PREVENTION ?
Les conséquences psychologiques en lien avec la pandémie et le confinement sont donc réelles.
Cependant, Je pense qu’il est dans un premier temps important d’avoir une lecture juste de soi. Connaitre donc les facteurs « pandémie » et « confinement » dans ce qu’ils peuvent provoquer en nous. C’est déjà une façon de « ne pas s’en rajouter ». Pour le dire plus justement, « il faut mettre la barre au bon endroit, pour soi-même et pour ses proches ».
Ensuite, il faut avoir une idée de ce que l’on peut faire pour tenter la meilleure traversée possible de cet épisode.
Cela implique d’inclure de pensée à soi-même et faire quelques choses pour soi. Ne pas attendre d’avoir trop de symptômes. Et si c’est le cas, ne pas hésitez à se faire accompagner par un professionnel de santé averti pour fédérer les bonnes énergies ! Pourquoi pas, pratiquer certains thérapeutiques en famille ( la Mindfulness par exemple pour les adolescents et toute la famille ) ! Transmettre des bonnes pratiques c’est les intégrer au mieux dans une nouvelle hygiène de vie !
Une bonne nouvelle !
Une des bonnes nouvelles est que l’on peut lutter, agir ! Prenons l’exemple du « gel psychique ». Depuis les études de William James, nous savons que le mouvement induit un changement, « un processus ». Alors si le manque de mouvement provoque un gel, l’imagination elle peut nous « dégeler » ! Avec la découverte de la fonction des neurones miroirs nous savons que les zones cérébrales activées lors de l’exécution d’un mouvement, le sont aussi lorsqu’on mentalise, imagine ce mouvement ! Alors vive les pratiques psycho-corporelles (la méditation de pleine conscience, le yoga, la sophrologie, la danse, etc…) et plein d’autres : l’imagination par la musique, la lecture. Luttons contre ces effets délétères de la pandémie et du confinement aussi par le rêve ! Au de-là de la métaphore il se passe aussi des choses dans notre planète corps. Prenons en soin !
Surtout ne restez pas seul, osez en parler, il y a toujours des solutions !
Tout mouvement de quelque nature qu’il soit, est créateur
Edgar Allan Poe