LA RELATION ENTRE HOMME ET ANIMAL EST ELLE PSYCHOTHERAPEUTIQUE ?

Après avoir défini ce qu’est une psychothérapie dans un précédent article, nous souhaitons dans cette dernière communication considérer notre rapport aux animaux.

Comment peut-on définir la relation homme animal ? Comment communique-t-on ensemble ? La relation des enfants avec les animaux est-elle comparable avec la relation des adultes avec le monde animalier ?

La relation à l’animal peut-elle devenir thérapeutique ? En dehors de nos animaux de compagnie, soignent-on aujourd’hui les maux de l’esprit en lien avec les animaux ? Voici quelques pistes ! Article écrit par Caroline Vieilleribiere, psychologue psychothérapeute à Mont de Marsan.

COMMENT PEUT-ON DEFINIR LA RELATION HOMME ANIMAL ?

La relation que l'on a avec l'animal est elle psychothérapeutique ? caroline vieilleribiere psychologue psychothérapeute à Mont de marsan nous donne son avis

Considérer notre rapport au monde animalier c’est penser au travers de notre propre culture. Ainsi cette question pourrait paraitre incongrue dans d’autres pays. Par exemple en Amérique Latine, les animaux y sont considérés d’emblée comme des partenaires sociaux.

C’est pourquoi la mentalité naturaliste qui précède notre culture occidentale nous amène à poser cette question sous l’angle de la justification. Nous pourrions reformuler ainsi la question : peut-on prouver que la relation à l’animal puisse être thérapeutique quand bien même elle le serait…

Contre les plus sceptiques, la culture scientifique dominante actuelle (pour ce qu’elle a de meilleur et de pire), nous donne accès à certains travaux. Ainsi des chercheurs défendent l’existence de la vie émotionnelle des animaux (M.Bakoff). Par voie de conséquence, il peut être intéressant d’identifier les éléments qui permettent une mise en lien entre nos deux espèces. Ainsi nous y verrons plus clair sur ce qui peut définir la relation homme animal dans son versant psychothérapeutique.

COMMENT COMMUNIQUE T-ON ENSEMBLE ?

L'homme et l'animal emploient la communication non verbale précise madame Vieilleribiere psychologue travaillant en équithérapie au pays basques

Nous ne pouvons pas ne pas communiquer. Effectivement si vous décidez de ne pas parler, votre corps, votre façon de vous déplacez, votre attitude non verbale va parler pour vous! Donc même si les animaux ne partagent pas notre langage articulé, ils partagent quelques éléments de communication avec nous.

Le regard

Fixer, poser son regard, détourner le regard, suivre du regard, renseignent sur l’entrée en communication. De votre côté vous mettez votre attention et votre concentration à l’exercice. Vous faites cela de façon simplifiée. Parfois devoir se passer de parler est reposant. C’est bien, entre-autre ce qui nous intéresse ici. Le regard prend toute sa place dans la régulation des interactions sociales aussi avec nos amis à poils, plumes et écailles.

Le toucher

Toucher un animal détend. 
Encore faut il aimer les animaux !

Les tabous sociaux liés au toucher ne sont pas mis en œuvre quand il s’agit d’animaux. Alors, allez-y « groomez » ! Qu’est-ce que j’entends par là ? Demaret, chercheur en éthologie a pu mettre en relief l’effet relaxant, apaisant que procure le contact. Il a attribué à l’homme ce qu’il a pu observer chez les primates. Il a employé le terme de grooming pour décrire l’épouillage et le toilettage social que mettent en place les primates pour réguler leurs tensions sociales et renforcer leurs liens.

Alors que chez nous se chercher des poux signifie qu’il y a de l’eau dans le gaz, chez nos amis primates c’est une manière de se détendre ! Plus précisément Bibi Degn, autre chercheur décrit que l’animal et l’homme font système lorsqu’ils communiquent par le toucher. Peu importe qui commence !  Personnellement je laisse venir mon animal pour le caresser même si j’en ai très envie. Cependant pour beaucoup, le statut de l’animal (qui n’a pas légalement celui de personne) nous autorise d’autant à le toucher (partant du principe qu’on a le droit, se passant de son accord préalable).

Moins de stress

Demaret a eu une bonne intuition car quelques années plus tard, Aaron Katcher a pu démontrer que la présence d’un animal de compagnie (en l’occurrence un chien dans ses études) baisse les indicateurs physiologiques du stress chez les enfants à qui on demande de lire un texte à haute voix.

Cerveau Allégé

En dehors du toucher, penchons-nous sur notre cerveau : l’effet relaxant peut être démontré par l’utilisation du toucher mais pas seulement.

Ainsi l’animal nous aide à simplifier notre communication, ne nous concentrant que sur l’essentiel. L’attention peut se développer. Par exemple, tentez d’observer votre boule de poils d’un œil nouveau cessant de lui attribuer des intentions. Essayez peut-être de comprendre comment ajuster votre comportement (votre corps et ses déplacements) pour aller vers de nouvelles satisfactions ! En plus cela vous allégera la tête, vous détendra.

Allant dans ce sens, Smith (en 1983) dans ses travaux de recherche, nous apporte un élément qui enrichit les raisons de cet effet apaisant : Pour lui, nous ne percevons même plus certaines bases d’entrée en communication très coûteuses pour le cerveau. Exemple : comment s’insérer dans une conversation, gérer un tour de parole, etc…Avec l’animal la communication est beaucoup plus simple et efficace. De plus il est sensible mais beaucoup moins exigeant quant aux respects de normes sociales !

Les enfants et les animaux

Les enfants et les animaux sont des êtres sensibles et très réceptifs aux émotions insiste Caroline Vieilleribiere psychologue à Mont de Marsan

C’est à 9 mois que le tout petit perçoit l’animalité.

Le tout petit enfant (enfant jusque 3 ans) a en commun avec l’animal qu’il ne parle pas. Ils peuvent rapidement se rencontrer sous réserve que les adultes éduquent les enfants sur le respect qu’ils doivent avoir envers les animaux.

De plus devant un enfant un peu brusque du fait de son âge, il ne faut pas idéaliser l’animal comme sont les êtres humains. Ils ont leur vie, leur passé et peuvent changer leur comportement alors qu’on ne le pensait pas.

L’enfant alors peut aller au contact de l’animal, peut se pelotonner contre lui. Enfants et animaux sont tous les deux des êtres extrêmement sensibles. Même s’ils ne parlent pas ils partagent un langage émotionnel.

Chez les plus grands vers 5 ans il est fréquent de penser sa relation à l’animal : il n’est pas un jouet.

Il a parfois envie de ton contact parfois pas. Tout comme tes copains…

Ce type d’expérience peut aider à créer des ancrages pour avancer dans la socialisation.

Enfin l’enfant peut éprouver sa première expérience de deuil, de rencontre de la mort au travers de son premier animal. Il peut être très peiné de cette perte. Il peut comprendre aussi que la vie continue et garder un souvenir positif de cet animal.

Parenthèse sur les adolescents

Chez nos adolescents, l’animal peut être plus un confident, une présence qui va recevoir les états d’âme souvent colorés de cette période de la vie. C’est l’animal qui apporte du réconfort  là où les adultes sont parfois plus inaccessibles aux yeux de l’ado, malgré eux.

Les adultes et les animaux

la communication entre les animaux et les hommes allège le cerveau précise Caroline Vieilleribière psychothérapeute à Mont de Marsan

Qui ne connait pas la boutade qui consiste à dire que :  si vous êtes célibataire et que vous souhaitez rencontrer quelqu’un, dotez vous d’un chien et allez le promener, on vous parlera plus facilement ! 

Les résultats de recherche peuvent aller dans ce sens. Plus sérieusement, l’animal est considéré comme un facilitateur de la communication sociale. Ainsi Messent (1980) a démontré que la présence d’un animal permet d’augmenter les contacts sociaux. Ainsi la présence d’un animal facilite bien les interactions sociales, catalyse les échanges, nous détend dans nos rapports de communication.

Soigne t-on avec les animaux ?

Les professionnels de santé peuvent utiliser la relation homme animal pour aider les patients en souffrance. Caroline Vieilleribiere  professionnel de santé défend ce point de vue

Certains professionnels de santé ont été précurseurs sur ce sujet comprenant que la relation avec l’animal pouvait être thérapeutique. En 1975, Les Corson, psychiatres, ont démontré l’impact des chiens auprès des patients schizophrènes chez lesquels aucun traitement n’avait été efficace. Ils ont pu améliorer leur contact social et minimiser le repli qu’ils pouvaient avoir sur eux-mêmes.

Cependant dans ces études comme dans d’autres, l’honnêteté scientifique nous oblige néanmoins à signaler que les résultats de ces études sont extrêmement variables et leurs méthodologies pas très rigoureuses (Beclack et Katcher, 1984).

De mon point de vue, il ne faut pas pour autant tout considérer comme nul et uniquement subjectif. Nous pourrions alors nous poser la question : qu’est-ce qui dans la relation homme-animal peut être une base pour construire une relation thérapeutique.

L’esprit scientifique est nécessaire. Ce qui est regrettable c’est qu’il nous limite pour identifier parfois la potentielle valeur thérapeutique de nos actions. Cette dernière, à mon sens, s’inscrit dans la posture qu’incarne le professionnel de santé. Scanner une posture au regard des filtres scientifiques est un véritable challenge !

Essayons de comprendre ce qui peut définir cette posture en tentant d’analyser les éléments dans la communication qui peuvent s’inscrire dans une visée psychothérapeutique.

La médiation animale

En 2005 apparait le terme de médiation animale. Qu’est-ce que la médiation ? C’est un espace tiers avec lequel le professionnel de santé ou d’accompagnement, est à l’aise et possède une certaine compétence pour mettre un enfant ou un autre adulte en situation d’investir du plaisir dans cet espace et de découvrir des capacités qu’il n’imaginait pas.

 Pour être professionnel de la médiation animale il faut être d’abord professionnel du soin/ et ou de l’accompagnement des humains. C’est comme si l’on se formait à une forme de spécialisation. Enfin ce terme exclut la polémique potentiel du terme thérapeutique.

Un choix assumé

Il est évident que ce type de choix correspond à un regard particulier sur le monde animalier. Il faut y être sensible. En tant que professionnel de santé j’ai eu une merveilleuse occasion de me former et d’aborder la médiation animale. Notamment avec nos compagnons les chevaux. Cette rencontre m’a profondément appris. Quoi ? Tellement de choses.

Je considère l’animal comme un partenaire et non comme un autre dont je serais supérieure. Dans cette exemple le cheval n’est pas considéré comme une monture mais comme un être sensible. Il n’est pas seulement le représentant de son espèce mais reconnu pour son tempérament singulier. Je ne suis pas cavalière et je pensais que ce serait un souci. Et bien cela n’a été aucunement un frein. Bien au contraire, la rencontre en a été encore plus riche.

Les enfants en médiation animale : exemple les chevaux.

Le cheval en médiation animale n'est pas considéré comme monture mais comme partenaire. Psychologue intervenante en médiation animale, madame vieilleribiere développe ses propos

Le cheval va accueillir l’enfant tel qu’il est à l’instant présent. L’animal accueille l’enfant sans a priori et sans attitude intrusive. Lorsque le contact est établi il s’agit pour l’enfant autiste par exemple de vivre une expérience existentielle. Ici il sera l’occasion de brosser le cheval, de le soigner, de se tenir en équilibre dessus, se redresser, prendre conscience de son tonus, etc…

Sur un autre exemple, les enfants hyperactifs identifient rapidement que le cheval n’est pas un jouet qui va aller là où l’enfant le souhaite forcément. En revanche comme la réponse du cheval est non agressive, l’enfant ne fera pas forcément de colère comme avec ses pairs. Il va s’ajuster aux réactions de l’animal lui permettant de comprendre comment se comporter pour créer la rencontre.

La médiation animale permet une diminution des symptômes, l’atténuation de l’angoisse, mais on ne peut pas parler de thérapie. C’est toute la différence entre le soin et le traitement.

Elle peut être aussi utilisée dans le cadre des apprentissages. Des établissements scolaires l’ont déjà bien compris. Le collège Saint Jean Baptiste à Téloché ( 77) au travers de EQUI-LIBRE en est un bon exemple.

A mon sens il n’y a aucune logique à associer tel animal à tel trouble. C’est la qualité professionnelle des intervenants qui permettra que la rencontre ait lieu.

Savoir quoi observer

Pour objectiver le travail dans le développement de la relation homme-animal, j’aimerai poser quelques éléments qui peuvent servir de base de travail :

La dimension psychomotrice : comment peut on développer les compétences motrices des adultes et des enfants.

Ce qui est central : les compétences relationnelles. Par l’observation l’homme peut comprendre comment se comporter pour que sa relation avec l’animal se développe. Sans contrainte, sans rapport de force. Comprendre comment s’ajuster, c’est se remettre en cause. Le potentiel de changement est important de mon point de vue car l’animal n’a pas d’à priori et sa réponse émotionnelle n’est pas décuplée. Elle est juste. De plus le fait que l’on se passe du langage articulé permet de se focaliser sur la communication non verbale. C’est un énorme gain d’énergie. Cette possibilité allège aussi le fonctionnement cérébral, émotionnel donc.

Le rythme, la synchronicité : faire système avec l’animal comme ont pu le poser certains auteurs c’est « être sur la même longueur d’ondes ». Chercher à ne pas contrarier le rythme de l’animal et le rejoindre sur sa rythmicité c’est prendre conscience de son fonctionnement. C’est accepter de lâcher prise.

Enfin soigner l’animal (lui donner à manger, le brosser, le laver, etc…) c’est aussi comprendre que l’on doit respecter l’autre quand bien même il fait partie d’une autre espèce. C’est toucher, ressentir, faire. C’est peut être pour certains aussi une façon de s’occuper de soi et de développer l’estime de soi au travers de la prise en compte du bien être de l’animal. ( et la satisfaction que l’on reçoit à le faire)

Synthèse

Il y aurait tellement à dire, à développer pour renseigner ce vaste sujet ! Ce premier article sur le sujet se veut généraliste, nous reviendrons sur des points précis dans cette thématique selon votre demande.

Nous aimerions donc préciser que la relation homme animal peut avoir des bénéfices positifs sur la santé psychique des hommes sous certaines conditions.

La première concerne la représentation que l’on a des animaux. Difficile de se rencontrer lorsque l’on ne dégage pas d’intérêt sur le sujet. Ainsi il peut être intéressant d’enrichir notre représentation par l’intermédiaire de d’éthologie qui au travers d’ouvrages, de documentaires développe notre juste connaissance et celle à découvrir sur le monde animalier.

La seconde serait de se dire que c’est dans un rapport plus élargi de notre rencontre avec l’animal, non déconnecté de la nature et de son milieu, qu’il peut être intéressant de renégocier notre relation avec lui.

Parce que le monde animalier est aussi notre monde, nous partageons la même maison, alors ne serait il pas important de nous comprendre mieux ?