Le port du masque est essentiel pour nous protéger de la pandémie que nous traversons. Questionnons-nous sur ses éventuelles conséquences sur notre communication. Est-elle la même ? Y a t-il des aspects psychologiques propres à l’utilisation du masque ? Quels conseils appliquer pour faire au mieux avec ? Caroline Vieilleribière psychologue psychothérapeute à Mont de Marsan répond à ces questions.
LE MASQUE : VRAIMENT UNE NOUVEAUTÉ ?
Si le masque sous plusieurs formes est présent depuis des décennies dans bien des cultures (au travers de carnaval, dans certains rites mortuaires pour protéger les défunts, symbole pour éloigner les mauvais esprits, etc…), son entrée fracassante dans nos obligations de protection nous laisse dans un certain désarroi.
Le port du masque est normatif dans certains pays d’Asie, il ne l’est pas encore de ce côté de la planète. Son usage s’inscrit dans un acte qui n’est pas encore un rituel. Il n’est pas encore synonyme de normalité. Par ailleurs, le deviendra-t-il d’ailleurs un jour?
Il est synonyme d’anxiété.
ET MAINTENANT…QUE VAIS-JE FAIRE ?
Ainsi, le contexte de sa préconisation, fait d’ambivalence, lui configurant dans un premier temps le statut d’accessoire puis dans un second temps le statut de matériel de protection indispensable à notre survie, contribue vraisemblablement à la représentation que nous en avons encore aujourd’hui, elle-même ambivalente.
Qu’il soit « fait maison », FFP1, FFP2, FFP3 il s’inscrit entre nous et le monde extérieur. Il nous rend « mé-connaissables ». Le masque dissimule. Il protège oui mais de quoi? Du virus simplement ? Des émotions des autres, certainement! De plus, cet accessoire nécessaire à notre protection ne nous protège pas d’éventuels accidents de communication !
LE PORT DU MASQUE ET LES CONSÉQUENCES SUR LA COMMUNICATION
Oui le port du masque a des conséquences sur la communication.
Anne Dehêtre, présidente de la fédération nationale des orthophonistes, souligne que 80 % de notre compétence à lire sur les lèvres d’autrui (lecture labiale) est impliqué dans une bonne compréhension de nos échanges. C’est pourquoi on comprend alors que des difficultés peuvent s’exprimer au travers de nos interactions masquées!
De plus, Marie Nathalie Jauffret sémiologue et chercheuse en communication souligne cette même proportion (80%) qu’elle attribue au langage corporel impliqué dans l’enjeu de nos échanges avec autrui.
Alors, avec un masque, comment s’assurer que mon interlocuteur m’a bien compris ?
Même si le langage des yeux est universel et qu’il est le reflet de l’âme, le fait qu’il manque le bas du visage, tronque notre lecture de l’autre. Ce manque est alors la porte ouverte à l’interprétation, à la rumination voire à l’anxiété. « Mais pourquoi me regarde-t-il comme ça ? » Mais qu’est-ce qu’elle veut ? »
Ainsi l’impression d’être regardé « de travers » explique qu’il est compliqué, sans avoir accès à l’ensemble du visage d’autrui, de comprendre ses intentions. Si le regard est caché derrière une paire de lunettes alors…c’est encore pire !
LE PORT DU MASQUE ET CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES
Il y a des aspects psychologiques impliqués dans le port du masque.
Les personnes présentant des troubles cognitifs, auditifs de tous les âges peuvent être mises d’autant plus en difficulté car la lecture du visage et plus particulièrement la lecture labiale est empêchée par le port du masque. C’est pourquoi un sentiment d’exclusion, de détresse face à « des personnes sans visage expressif » est d’autant plus présent.
Kelly Morellon présidente de l’association main dans la main présente un masque qui peut permettre de percevoir le bas du visage pour contourner cette difficulté.
AU SUJET DES ENFANTS
Dis papa, pourquoi les gens ils portent des masques ?
Les enfant peuvent eux aussi être mis en difficulté.
Cependant, ils sont plus stressés par les réactions des adultes de leur entourage que par la situation elle-même. Penchons nous sur quelques données développementales pour faire le point.
Quoi qu’il en soit, concernant les tout petits, il est établi que c’est à partir de 6 semaines que le bébé renvoie un sourire social à l’adulte de son entourage. Les bébés auraient des compétences pour orienter leur attention sur le visage entre 4 et 6 semaines (A. Heering et R. Rossion 2015). On comprend donc que le sourire de l’adulte est important pour capter l’attention du bébé.
En outre, entre 6 et 12 mois l’enfant peut être anxieux face à des inconnus.
Cependant à partir de 18 mois, l’effet des visages inconnus est moindre car l’enfant a des bases constituées plus solides pour repérer les visages familiers des visages non familiers de son entourage.
Donc, ce qu’il faut retenir, c’est qu’avant 18 mois, il peut être important de pouvoir communiquer « en direct » ( sans masque si les conditions sanitaires le permettent). Après 18 mois l’enfant a plus les ressources pour « supporter » la communication masquée§
Sous réserve que nous soyons très attentifs aux messages émotionnels qu’il nous envoie pour s’y ajuster au mieux !
DIS PAPA POURQUOI LES GENS ILS PORTENT DES MASQUES ?
Et pour les plus grands ?
Qu’est-ce que tu en penses toi, à ton avis ?
Demandez au plus grands leurs visions du monde (au travers de leurs propres théories) pour répondre au mieux à la situation. Ils peuvent comprendre avec leurs mots. L’enfant a besoin de savoir qu’il n’est pas abandonné et que l’on prend soin de lui en tant qu’adulte. Quoi qu’il en soit il est bon de le renseigner et de lui donner confiance en notre protection malgré nos incertitudes.
PETITS CONSEILS POUR FAIRE AVEC
- Partez du constat que nous sommes normalement plus « parano » vis-à-vis de notre interlocuteur, il nous manque 80% d’information pour renseigner l’émotion de l’autre! Essayez de rire de vous-même. Si le contexte le permet et à défaut, évitez de tomber dans l’interprétation…
- Non seulement utilisez plus de gestes que d’habitude et avec les enfants n’ayez pas peur d’en faire des tonnes ! Osez surjouer niveau intonation, articulation, etc…surtout avec les petits
- Agrandissez votre champ visuel pour mieux comprendre l’intention de communication d’autrui ( utilisez les indices autour de vous, contextualisez, jouez les détectives, décryptez mieux !)
- Pour s’assurer d’être bien compris, questionnez votre interlocuteur » vous m’avez compris » ? Ici rien de ridicule! D’abord, vous deviendrez rassurant et finalement on appréciera votre effort pour communiquer positivement !
- Comme vos émotions ne sont pas très lisibles commentez les ! « Je suis heureux, pas très content etc… c’est drôle, etc »
Pour ces raisons, malgré la morosité ambiante, bien que communiquer avec un masque puisse générer des freins à l’expression de nos émotions, tentez de conserver l’intention de communiquer ! Ne renoncez pas à ce qui fait notre singularité en tant qu’être de langage.
Un bel article intéressant ,clair et qui investigue beaucoup de champs et qui reste positif , rassurant
Merci cela fait du bien de voir le masque autrement et surtout les visages derriere celui ci
Je viens de lire ce texte (je le relirai), mais c’est exactement le ressenti. Perso, j’essaie de faire parler mes yeux et mes mains.
C’est vrai que le port du masque est un sacré problème pour certains handicaps.
En tout cas merci pour cet écrit ! Bravo
Merci de ce bel article qui interpelle sur l’impact communicationnel du covid !
Ping : CONFINEMENT ET IMPACT PSYCHOLOGIQUE
Merci pour votre commentaire. Cet article s’associe à une réflexion plus collective pour tenter d’y voir plus clair pour chacun d’entre nous.
Merci pour cette publication claire et qui met l accent sur la communication avec les tout petits. Je pense que pour eux, voir un proche tout à coup derrière un masque peut en effet être perturbant. C est bien de le rappeler de façon rassurante et ludique.