92 % de français utilisent Internet ! Parmi ces utilisateurs 74 % de la population se connectent régulièrement sur mobile. Cependant les français sont loin d’être ceux qui passent le plus de temps en ligne. Si l’on fait partie de la moyenne de connexion, on se connecte 4 h 38 chaque jour ! En ligne ne signifie pas uniquement sur les réseaux sociaux ! Ainsi 58% des français sont utilisateurs des réseaux sociaux pour 1H17 de temps de connexion. (données issues des études de Hootsuite et We Are Social)
Certains d’entre nous sont devenus accros aux réseaux sociaux. Dépendants numériques, » addicts ». Quelles conséquences sur le rapport à la réalité et sur soi, à son image ? Caroline Vieilleribière psychologue, psychothérapeute à Mont de Marsan nous donne quelques pistes.
Le rapport à la réalité chez les enfants
Maman, regarde! Maman regarde ! Je te dis tout ( aux gens aussi du coup…)
Les enfants fonctionnent ainsi jusqu’à environ 5 ans. Ils disent spontanément tout, ajoutant souvent des « regarde ! regarde! ». Quel parent n’a pas en souvenir le commentaire de son enfant sur les choses supposées rester confidentielles ? Fou rire… et parfois gêne momentanée des adultes face aux commentaires de leur enfant. Léo 4 ans n’a pas encore acquis la maturité pour comprendre que les voisins n’ont pas besoin de savoir que papa a la colique…
C’est ainsi que l’on commence dans son rapport au monde sans filtre en quelque sorte. C’est le mensonge qui par sa fonction va contribuer à l’autonomie psychique de l’enfant. Sans porter un regard inquiet ici sur le rapport de l’enfant à la réalité, il faut le comprendre comme une phase de développement nécessaire. J’exclus ici une minorité de cas où le mensonge devient un fonctionnement. Sur ce sujet, c’est ce que l’on appellera plus tard la mythomanie. Savoir mentir pour un enfant, c’est lui permettre la construction de son intimité psychique. Papa et maman ne sont pas partout dans sa tête. Il lui reste un coin dedans où il est en dehors de tous, c’est le début du jardin secret. C’est donc bon pour grandir.
Pas d’écran avant 3 ans nous conseille Guillaume Nguyen, psychologue. Mais dites moi docteur, les enfants font-ils la différence entre les écrans et la réalité ? Oui d’autant plus s’ils sont peu consommateurs. C’est l’échange avec les parents devant les écrans qui peut aider l’enfant à distinguer le réel du virtuel.
Le rapport à la réalité chez les adolescents
Si l’enfant a besoin de la confirmation du regard de l’autre pour attester de son existence, l’adolescent lui a besoin de s’investir lui-même narcissiquement ! Son corps qui change et la nouvelle image qui lui est renvoyée, doit devenir sienne. L’environnement numérique dans lequel il baigne peut, peut être, répondre à ses aspects narcissiques. Par le dépassement de ses interrogations ( Est-ce que je ne suis pas bizarre?…), il peut ainsi accéder à plus d’assises. L’autre virtuel peut l’aider en ce sens. Enfin sous réserve que cet autre ait de bonnes intentions….Restons optimismes, nous nous réserverons dans de prochains articles la question du harcèlement numérique..mais ici gardons le cap !
Lorsque l’exposition n’est pas une surexposition qui met à nu notre ado, sans protection, ni contrôle, les réseaux sociaux pourraient alors offrir ce que Jeammet appelle l’espace psychique élargi dans lequel il peut aussi se construire. La notion d’espace ici renvoie à une métaphore . Il faut juste comprendre que cela représente l’ensemble des pensées, des émotions, de l’activité mentale dont nous avons conscience. C’est dans cet espace que s’élabore, se construit et se développe notre rapport au monde, à la réalité.
Réseaux sociaux et narcissisme chez les adultes
Si le développement de l’intimité est dans un premier temps, sans filtre et que c’est une affaire de niveau de développement, on peut s’interroger sur le comportement de certains adultes dans le rapport qu’ils entretiennent avec les réseaux sociaux. Tout montrer ? Tout mettre en ligne ? Quelle est la limite ? Blague mise à part, on se doute bien qu’il ne s’agit pas d’une histoire de niveau de développement ici.. Sont-ils réellement sans pudeur sans intimité?
Il est admis qu’il y a plusieurs identités possibles pour naviguer sur les réseaux sociaux. Ok. Dans cette configuration cela est parfois plus narcissisant ! Cependant parfois nous avons plus besoin de son autre soi pour exister, que du reste ! Parfois nous nous éloignons tangiblement, de nous-même ( celui de la vraie vie) à notre insu et cela devient fatiguant, déprimant même ! Pour comprendre cette fatigue sans nom considérons la notion de PRÉSENCE : le temps où l’on occupe l’espace numérique.
Ce temps numérique est celui des likes, des avis, des commentaires et tiens qui a publié quoi ? D’ailleurs ce qui est remarquable concernant les likes c’est que vous n’avez que deux choix : on aime ou on aime pas. Les nuances sont exclues.. Etre présent sur les réseaux c’est entretenir sa REPUTATION. Nous appelons extimité le désir qui nous incite à montrer certains aspects de notre soi intime pour les faire valider par les autres, afin qu’ils prennent une valeur plus grande à nos yeux.
QUELLES CONSEQUENCES PSYCHOLOGIQUES SUR SOI
Concernant les réseaux sociaux, l’extimité permet de ne pas s’adresser à une personne en particulier, mais à une masse indifférenciée. Dans le rapport à la réalité, les autres eux, sont bien réels, mais ils peuvent être à tout moment évacués, ignorés. Du coup, la surreprésentation de soi peut donner lieu à des excès.
Cette masse indifférenciée est parfois composée d’une liste d’amis. Contrairement à ce que l’on peut facilement penser au travers des concours sur « qui a le plus grand nombre d’amis », l’important n’est pas d’en avoir beaucoup mais plutôt de pouvoir avoir des contacts susceptibles d’être facilement « activés » en cas de nécessité. Selon Cardon D. le nombre de tels contacts est en fait peu élevé ( moins de dix en moyenne ) Au final, derrière la vitrine d’amis pour « faire nombre » il y a des contacts ressources. C’est rassurant. La relation à l’autre ici est donc tronquée si on s’arrête au rapport numérique de la liste!
La question des selfies est incontournable quand il s’agit de parler d’image de soi. Posant insidieusement les questions du qui suis-je et comment me voyez-vous, les selfies sont-ils une nouvelle façon de créer son propre autoportrait ? Au delà de la personne qui pose, le contexte de la prise de vue a toute son importance. C’est une mise en scène. Le selfie est-il fait uniquement pour être simplement partagé ou pour se voir dans les yeux de ceux qui nous voient ? Je selfie donc je suis ? Le selfie n’est cependant pas le reflet de la réalité mais celui de l’intention. C’est un message par l’image. Et comme tout acte de communication il prend le risque de ne pas être compris. La personne qui pose est alors d’autant plus confondue avec l’intention (que l’intention soit heureuse ou pas…)
ET APRES ?
Retenons qu’il peut y avoir plusieurs utilisations possibles des réseaux sociaux. Celle étant d’avoir un peu de recul sur notre consommation de réseau sociaux et celle oû nous sommes pris dedans. Pour les seconds se pose la question de pouvoir décider d’autres choses. S’il s’agit d’addiction, de dépendance numérique il y a des solutions pour rebondir dans le réel. S’il s’agit d’un manque de bonnes pratiques il est toujours possible de trouver des sources fiables pour s’éduquer, éduquer nos enfants sur le rapport aux médias. Les nouvelles générations, nous l’espérons devraient pouvoir bénéficier de la connaissance de ces bonnes pratiques.
Enfin les réseaux sociaux ont permis de merveilleuses initiatives durant le confinement. De nouveaux utilisateurs sont entrés dans le monde des échanges numérisés. Parmi eux certains ont eu la chance de pouvoir aussi faire un jardin, d’autre cuisiner, soutenir ceux qui aident. La communication par l’image a pu rassembler, fédérer, créer des bonnes énergies. L’égoïsme à l’état sauvage fait de l’homme une brute sans pitié, mais dompté par l’amour, il est source de beauté et de grandeur d’âme.
L’amour de soi ne peut s’épanouir que s’il sait s’agrandir suffisamment pour englober les autres. (Doric Germain).